« Cent ans de haute tension électrique à Paris » … et la transition énergétique

A la veille de l’ouverture du débat sur la transition énergétique, RTE (Réseau de Transport d’Electricité de France) publie l’épopée de l’électrification de Paris. Une histoire décoiffante dont la date de parution ne doit rien au hasard… A lire absolument.

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par Marie Hellouin

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Déjà disponible en ligne ou en application tablette, l’histoire électrisante de notre capitale constituait le teaser de RTE pour la 44e exposition technique du Cigre (Conseil International des grands réseaux électriques) qui vient de s’achever à Paris. C’est dire que notre modèle figure au palmarès des exceptions françaises.

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Pourtant, la présentation du livre serait probablement passée inaperçue, ce 28 août 2012, si la presse n’avait été conviée à une plongée à 225 000 volts dans le dédale obscure de la ville lumière !

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Journalistes, photographes et médias n’avaient pas boudé cette première. En effet, outre que la région parisienne absorbe à elle seule le 1/6e de la consommation nationale, soit quelque 70 TWh dont elle ne produit plus que 10 %, le réseau francilien conditionne les systèmes centraux de la République.

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Comme l’a confirmé en introduction Didier Zone, directeur du Centre d’Expertise Réseau de RTE, l’alimentation électrique de Paris est classée Sécurité Défense sous l’autorité du ministère de l’Intérieur.

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Vous qui passez sans me voir…

Nous étions convoqués au poste Harcourt d’Issy-les-Moulineaux qui reçoit l’électricité en provenance de Villejust, à environ 50 km, et la répartit dans tous les quartiers du sud-ouest parisien. Nous imaginions un bunker, mieux valait avoir noté l’adresse pour trouver cette enclave aussi modeste qu’anachronique entre périphérique, champignonnière de tours et bips d’objets de chantiers !

 

 

Le poste sous enveloppe métallique visible de la rue et des tours environnantes où le courant est réparti dans les différentes radiales à 225 000 volts desservant le sud-ouest de Paris et la petite couronne – photo Diane Chesnel

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Les passants se hâtent des points de transports aux centres d’affaires sans un regard sur l’étrange architecture métallique visible de la rue en toute transparence. Aucun ne se doute que dans cette petite cour d’à peine un hectare s’échangent par centaines de mégawatts les électrons qui font avancer son tram, son métro, son RER, anime son badge, son ascenseur et diffuse ses tweets à la vitesse de la lumière…

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Pourtant, dans un coin de cette cour, un petit escalier s’enfonce dans les galeries qui transportent le courant jusqu’au cœur de Paris dans des boas constrictors à 225 000 volts, sanglés par 3.
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Indomptée jusqu’au XIXe siècle, l’électricité est devenue en quelques décennies la condition de nos sociétés. Pourtant, cette énergie magique reste entièrement tributaire des ressources primaires qui permettent de la produire. En témoigne, l’organisation singulière du réseau électrique français.

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Ce modèle « unique au monde »
Comme l’affirme non sans fierté Martine Bernard, directrice régionale de RTE Ile de France, les liaisons à très haute tension qui sécurisent Paris sont uniques au monde (voir schéma ci-dessous).

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Elles consistent en deux boucles périphériques qui drainent le courant jusqu’aux portes de la capitale. La première reçoit son approvisionnement de tous les coins de France par liaison aérienne à 400 000 volts.

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Une partie participe aux grands échanges entre les régions françaises. Le nécessaire est transformé en courant à 225 000 volts dans 11 postes périphériques répartis sur les 350 km de cette boucle. Le courant francilien est alors connecté à une seconde boucle de 72 km, souterraine cette fois, jalonnée de 18 postes comme celui d’Harcourt d’où rayonnent des câbles de même voltage, jusqu’au cœur de Paris.

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Le poste dessert directement de gros clients comme la SNCF dans des câbles à 63 000 volts – photo Diane Chesnel

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RTE gère ainsi 20 km de galerie bardées de capteurs reliés aux postes de type Harcourt. Ce dernier supervise électroniquement 27 postes dans Paris et la petite couronne.

 

A la moindre alerte, les équipes de câbliers, une quarantaine de techniciens formés au sein de RTE, interviennent en quelques minutes dans le calme des souterrains.

Ce modèle semble si parfait qu’on le croirait conçu d’une seule main. Le monopole nucléaire d’EDF, sans doute ? C’est là que l’histoire mérite d’être revisitée.

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Paris, la France, le câble

 

Dans cette brève histoire d’un siècle, quelques dates sont significatives. En 1914, une seule compagnie locale alimente Paris intra muros avec 2 centrales à charbon. Mais à la différence de l’Allemagne, les réserves de la France sont limitées. En 1920, 3 compagnies privées mutualisent leurs productions pour sécuriser les industries de la région parisienne. Ils créent une boucle souterraine à 63 000 volts, « la ceinture d’Hercule », une première mondiale qui leur permet d’économiser une centrale.

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Pourtant, la houille noire n’y suffit plus. Paris regarde vers ses montagnes qui recèlent un trésor non délocalisable : la houille blanche. En 1926, une première ligne aérienne à 90 000 volts va conduire les surplus du barrage d’Eguson du Massif Central jusqu’à Paris. Cette nouvelle prouesse donne le cap. La France a peu de charbon, elle aura des câbles ! Alors que les Allemands brûlent leur lignite au plus près des sites de consommation, l’ingénierie française ira chercher ses formidables ressources d’électricité hydrauliques là où la nature les propose. Dès 1932, des liaisons par câble passent à 225 000 volts.

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Au sortir de la dernière guerre, l’électricité est nationalisée. Pour pallier l’inégale répartition des ressources, Electricité De France instaure la péréquation, un tarif moyen qui permet à tous les consommateurs de payer le kWh au même prix, quel que soit leur éloignement des sites de production, et la consommation monte en flèche. Pour répondre à la demande, la France doit importer des hydrocarbures, tandis que le câble continue de progresser. Dès les années 1960, les électrons sillonnent la France dans des autoroutes aériennes à 400 000 volts. La grande boucle parisienne est tracée. Le réseau est prêt à s’adapter aux exigences géographiques de l’énergie nucléaire. En 1973, le choc pétrolier emporte la décision. EDF lance un programme sans équivalent dans le monde.

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France-Allemagne, le face-à-face électrique

Cent ans après la France, l’Allemagne découvre à son tour les contraintes de Dame Nature. Lancé en 2011, le « tournant énergétique » piétine. En cause, le financement de 4000 kilomètres de lignes THT censées transporter la production éolienne du nord aux complexes industriels du sud d’ici la fermeture de leurs centrales nucléaires. Les industriels se sont exemptés du fardeau pour préserver leur compétitivité. Mais dans ce pays décentralisé, comment faire accepter aux citoyens, non seulement les coûts, mais aussi le passage de ces lignes qui ne leurs sont pas destinées ? Déjà parmi les plus chères d’Europe, la facture des Allemands pourrait encore bondir de 30 %. Pour financer les autoroutes THT de l’industrie, le ministre de l’environnement accepterait de supprimer progressivement les subventions aux ENR, payées par tous les consommateurs via la taxe EEG.Une nouvelle loi est en préparation.

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Et la France, cent ans après l’Allemagne, va-t-elle avoir recours aux énergies décentralisées ? C’est ce que révélera le débat sur la transition énergétique si le gouvernement tient promesse. Car réduire la part du nucléaire de 25 % d’ici 2025 mobilisera toutes les ressources locales dont les technologies sont à maturité. Pour la première fois, la question a été ouvertement débattue au Forum d’Enerpresse, rendez-vous annuel des énergéticiens, en juin dernier. Un bémol cependant, soulevé par Pierre Franck Chevet, directeur de l’énergie et du climat, la décentralisation pourrait sonner la fin de la péréquation. Les régions en sous production seront-elles surtaxées, la Bretagne, bien sûr, mais … Paris et l’Ile de France ?

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